Audace et résilience : Se préparer à des situations en dehors de notre zone de confort

Dans cet épisode, Valerie Pringle discute avec Veronica Overlid (boursière 2020), Laxmi Parthasarathy (mentore 2019) et William Schultz (boursier 2018) des stratégies pour se préparer aux situations en dehors de notre zone de confort.

 

 


TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

 

Valerie Pringle : 

Bonjour, ici Valerie Pringle, mentore de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui dans cet espace de courage. Je vous invite à réfléchir, avec nos invité.e.s, aux réponses aux questions et aux situations qui nous poussent à affronter nos propres limites, à sortir de notre zone de confort. J’ai très hâte d’entendre les points de vues de nos invité.e.s, et j’espère que vous avez hâte aussi. Bienvenue à la pluralité des perspectives, bienvenue à notre balado Espaces de courage. 

Dans la vie, nous faisons souvent face à des situations qui nous obligent à sortir de notre zone de confort, que ce soit parce que nous voyageons dans un endroit très différent du nôtre ou parce que nous parlons à une personne avec qui nous sommes en profond désaccord. Se retrouver dans des situations déconcertantes est non seulement inévitable, mais important. Mais comment peut-on se préparer à de telles situations? Dans cet épisode d’Espaces de courage, nous allons discuter de ces questions avec trois membres de la communauté de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. 

Avec nous : Veronica Øverlid, boursière 2020 et candidate au doctorat au département de droit et d’études juridiques de l’Université Carleton. Laxmi Parthasarathy, mentore 2019 et directrice de l’exploitation de Global Press. Et William Schultz, boursier 2018 et candidat au doctorat en sociologie à l’Université de l’Alberta, et un ancien agent correctionnel. Bienvenue tout le monde, merci d’être avec nous pour ce tout premier épisode d’Espaces de courage. 

Nous commençons aujourd’hui par le thème du mois : sortir de sa zone de confort. Dans les Espaces de courage, on demande aux invité.e.s de raconter ce qui, à première vue, peut ressembler à une leçon d’humilité ou à un échec, mais qui, avec du recul, s’avère en fait une occasion d’apprentissage. Veronica, voulez-vous commencer? Avez-vous une histoire à raconter? 

Veronica Øverlid : 

Oui. C’est un échec – une occasion d’apprentissage, devrais-je plutôt dire – que j’ai vécu quand je travaillais au Fonds des Nations Unies pour la population, en Égypte. En quelques mots, les défis étaient nombreux, évidemment. Mais par moments, je trouvais que les instructions et les exigences en matière de rapport qui nous étaient imposées n’étaient pas toujours compatibles avec le travail que nous faisions auprès des organismes communautaires, par exemple. 

Je me souviens d’une situation en particulier où j’ai poussé des partenaires à faire des changements qui ne leur convenaient pas du tout ou qui ne cadraient pas avec leur méthode de travail, parce que je voulais qu’on obéisse aux instructions des échelons supérieurs. On a réussi à mener le projet à terme, mais j’ai réalisé plus tard que ces partenaires n’avaient pas osé me dire à quel point ces changements les dérangeaient, pour ne pas risquer de mettre le projet en péril. 

Je ne comprenais pas tout à fait que, lorsqu’il y a un fossé entre les attentes à l’échelle mondiale et les attentes à l’échelle locale, on devrait d’abord et avant tout écouter les gens sur le terrain, et non les autres. Cette expérience d’apprentissage a été vraiment marquante pour moi. Elle m’a montré à porter un regard critique sur le genre de système que j’incarne, auquel je participe, le rôle que je joue et celui que je devrais jouer considérant que je suis Européenne et que ma compréhension de la réalité sur le terrain est forcément limitée. 

Alors, même si je savais à quel point il est important de rester humble et d’écouter les gens autour de soi, j’avais du mal à l’appliquer au début. C’était seulement un petit exemple. J’ai réalisé que les grandes organisations comme les Nations unies ont tendance à perpétuer les inégalités qu’elles prétendent pourtant combattre. Je pense que cette prise de conscience a beaucoup influencé mon travail de recherche. Je la porte en moi. Cette expérience de travail m’a donc fait grandir. 

Maintenant, quand je fais des recherches, j’essaie de comprendre les rouages du système en place. Quelles voix se perdent en cours de route, dans ce fossé entre le mondial et le local? J’essaie de comprendre comment ces difficultés influencent nos perceptions en matière de protection des réfugié.e.s, par exemple. 

Valerie Pringle : 

Laxmi, et vous? 

Laxmi Parthasarathy : 

Vous savez, bien honnêtement, je pense que ma carrière est une suite d’échecs. Mais il y a deux échecs qui ont été particulièrement enrichissants, et ils concernent surtout ma façon personnelle d’aborder les choses. J’ai toujours su où je m’en allais, me disant que tout irait bien, qu’en travaillant dur, je tracerais mon chemin en fonction des buts que je me fixerais moi-même. Puis, la réalité a frappé. Mon plan n’a pas fonctionné comme prévu. 

Je me souviens quand j’étudiais à l’Université Carleton, là où Veronica étudie en ce moment. Je m’étais rendue jusqu’aux dernières entrevues pour le stage au Globe and Mail. Je me souviens, je me disais : « Ça y est! Je vais faire ce stage cet été, ma voie est tracée. » Mais je n’ai pas décroché le stage. J’étais démolie. C’était comme si une bombe avait explosé en plein milieu du chemin que j’avais tracé, celui qui devait me conduire tout droit à la réussite professionnelle en journalisme. 

Mais en fin de compte, l’expérience a été riche d’enseignements. Premièrement, je pense que j’ai beaucoup appris sur le secteur du développement de l’industrie des médias. Cet été-là, j’ai finalement obtenu un stage à la Rwanda Initiative. C’était ma première expérience dans le développement des médias, et elle m’a ouvert plusieurs portes par la suite. Et vous savez, quand j’y repense, cette expérience m’a appris que je dois apprendre à tolérer l’incertitude, que ce n’est pas parce qu’un chemin n’a pas fonctionné que c’est la fin de la route, car des chemins, il peut y en avoir 500 autres. 

Je vous raconte cette expérience en particulier parce qu’elle a eu lieu assez tôt dans ma carrière, et qu’elle m’a beaucoup aidé à apprivoiser l’incertitude. Et je pense qu’en journalisme, c’est essentiel. Cette expérience a donc été très importante, très formatrice. La deuxième expérience dont j’aimerais vous faire part est assez semblable. Elle a eu lieu beaucoup plus tard, par contre. J’avais présenté ma candidature pour une bourse de recherche, mais je ne me suis pas rendue jusqu’à la fin. 

D’ailleurs, j’en ai déjà parlé à des membres de la communauté de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. J’avais vraiment travaillé fort pour l’obtenir : remplir la demande, trouver des références, réunir les mille et un documents nécessaires. J’étais certaine que ma candidature était solide, que j’allais me rendre jusqu’à la ligne d’arrivée. Encore une fois, mon plan n’a pas fonctionné. J’étais profondément consternée. 

Et là, au même moment s’est présentée une occasion qui ne pouvait mieux tomber : l’emploi que j’occupe présentement à Global Press. Pour l’avoir vécu personnellement, on ne réussit pas toujours à atteindre le but ultime qu’on s’est fixé, mais il y a toujours 500 autres chemins possibles, 500 autres buts qu’on peut se fixer. 

Valerie Pringle : 

Et vous, Will? 

William Schultz : 

C’est toujours agréable d’entendre des histoires comme celles de Veronica et de Laxmi. Elles sont tellement intéressantes, j’en ai moi-même plusieurs comme celles-là. Mais la mienne, celle que je veux vous raconter aujourd’hui, est un peu différente. Elle est à-propos, je crois, mais d’une drôle de façon. Cette histoire remonte à longtemps. J’avais 21 ans. J’étais jeune quand j’ai commencé à travailler en prison. Du haut de mes 21 ans, j’étais agent correctionnel et j’essayais de comprendre comment bien faire mon travail dans un milieu très difficile. 

Quand on est agent correctionnel, on doit notamment, dans la mesure du possible, faire respecter les règles et les politiques de l’établissement et faire régner l’ordre dans la prison. C’est loin d’être évident et du point de vue du pouvoir, c’est une autre histoire. Cet été-là où j’étais un agent correctionnel de 21 ans, j’ai été confronté à l’une des têtes dirigeantes d’un gang de rue de la région. C’était un gars très influent, extrêmement charismatique. Il recrutait constamment, un prisonnier après l’autre. 

Lui et moi, on ne se lâchait pas. On ne se battait pas, mais je l’avais dans le collimateur et il m’avait dans le sien. Chaque fois que je l’attrapais en train de recruter, je l’enfermais dans sa cellule ou je le sanctionnais. Un jour, je l’ai pris en défaut – du moins, je croyais l’avoir pris en défaut. J’avais découvert beaucoup de graffitis à l’effigie de son gang de rue gravés sur les murs de sa cellule. Et le vandalisme, c’est une infraction. Cette fois, je le tenais enfin. J’ai rédigé une accusation d’infraction qui allait lui valoir une sanction d’une semaine. 

Je sentais que cette fois était la bonne. Étonnamment, mes supérieurs étaient assez contents aussi. Ils savaient que ce gars-là était un fauteur de troubles. Ils voulaient profiter de l’occasion pour lui donner une leçon. J’ai donc rédigé l’accusation, puis je l’ai déposée. Ensuite, je me suis mis à enquêter un peu, ce que j’aurais probablement dû faire avant, pour être honnête. C’est là que j’ai réalisé mon erreur, en fait. Je voulais tellement jouer les justiciers que je m’étais laissé emporter. Après quelques vérifications, j’ai compris que ce n’était pas lui le coupable. C’était plutôt son compagnon de cellule, relâché depuis un bon moment déjà. Bref, j’avais porté des accusations contre la mauvaise personne. J’étais contrarié parce que, d’abord, je croyais que je faisais la bonne chose, et ensuite, je m’apercevais que je m’étais trompé. Royalement. 

J’ai donc appelé mon supérieur et je lui ai dit qu’il y avait une erreur, qu’il fallait abandonner les accusations. C’est là que tout a dérapé, parce que l’établissement et ses dirigeants étaient ravis, eux. Maintenant qu’on le tient, on ne le laissera pas s’en tirer. On va jusqu’au bout. Tout à coup, on me sommait de poursuivre avec des accusations que je n’aimais pas, qui me contrariaient, que j’estimais injustes. Mon supérieur m’ordonnait d’aller de l’avant. 

Tout à coup, je me suis retrouvé au tribunal du pénitencier entouré d’avocats, de juges, d’arbitres, etc. J’avais le choix : inventer une histoire pour que mes accusations soient retenues ou être totalement honnête et avouer que je m’étais trompé, complètement trompé, et avoir l’air ridicule devant tout le monde. J’ai choisi la deuxième option. Mes supérieurs m’en voulaient. Ils m’ont demandé pourquoi, pourquoi j’avais tout foutu en l’air. Mes collègues me demandaient pourquoi j’avais agi comme cela. Je n’étais pas fier. 

J’étais déçu de moi, déçu d’avoir mal fait mon travail. C’était le comble. J’avais tout foutu en l’air. Je suis retourné à mon unité correctionnelle. Je n’étais pas fier de moi, mes collègues non plus. Et comme j’étais assis là, tout seul, il est arrivé. Celui avec qui je me prenais la tête depuis trois ou quatre mois, tout à coup, il était là. Il m’a dit : « Boss, faut que je te parle. » Il s’est assis, on a parlé. Puis, il m’a dit qu’il voulait enterrer la hache de guerre. 

Parce que maintenant, il savait qu’il pouvait me faire confiance. Juste comme ça, le vent venait de tourner. Pendant des mois, on avait pratiquement une prise de bec par jour. Et maintenant, plus rien. On pouvait même avoir de belles conversations. Il a aussi arrêté de causer des ennuis dans l’unité. Le calme était revenu. Tout le monde était plus en sécurité, y compris lui et moi. Ce que je ne réalisais pas à l’époque, c’est que oui, aux yeux de l’établissement, j’avais échoué. Mais en fait, j’avais défendu mon intégrité. Je m’étais battu pour ce que je croyais être juste. J’avais dit la vérité. L’établissement, mon employeur, n’était pas content, mais les prisonniers l’étaient, eux. 

Beaucoup m’en ont parlé. Ils disaient qu’ils pouvaient me faire confiance. Ça voulait dire beaucoup pour moi. Donc, cet échec, cet incident précis, ce n’était pas anodin. Les détenus avaient vu ce qui se passait. Là où j’avais échoué pour certains, j’avais réussi pour d’autres. J’avais gagné leur confiance. Même si dans une prison, la confiance n’existe pas. Avec du recul, je suis fier, maintenant. Parce que même si aux yeux de mon employeur et de mes collègues, j’avais échoué, au fond, je crois que j’ai réussi. J’ai gagné beaucoup plus que ce que j’aurais pu réaliser à l’époque. 

Valerie Pringle : 

Quelle belle histoire! Toutes vos histoires sont belles.  

Dans le cadre de nos balados, nous aimons créer un espace de réflexion qui soit utile pour tous et toutes, car nos invité.e.s ont beaucoup d’expériences à raconter et de savoir à partager. Nous avons donc un sujet de discussion à vous proposer : sortir de sa zone de confort, et trouver l’audace et la résilience qui sont, comme mentionné, des piliers du Leadership engagé. Comment peut-on se préparer à faire face à une situation qui nous sort de notre zone de confort, qui nous déroute ou qui nous met face à la différence? Auriez-vous des idées à proposer aux auditeur.rice.s? Veronica, voudriez-vous briser la glace? 

Veronica Øverlid : 

Personnellement, mon approche, quoique je ne suis pas certaine que ce soit un bon conseil à donner… Ce n’en est pas un en fait. Bref, ce que je fais… 

Valerie Pringle : 

Ne dites jamais cela, Veronica. Il est certainement bon. 

Veronica Øverlid : 

D’accord. En fait, je ferme les yeux et je saute, parce qu’il y a une tonne de choses qui me font peur. Je crois que le problème est là : j’ai peur de l’échec. Peut-être parce que je suis profondément marquée par l’échec, par tout ce que je fais. Quand je parlais de mes échecs tout à l’heure, je sonnais comme si j’avais fait la paix avec tout ça. Mais non, des années plus tard, ça me fait encore mal. Et je ne veux pas répéter les mêmes erreurs. 

Bref, je ferme les yeux, voilà tout. Je ferme les yeux et je saute, parce qu’une fois que je suis lancée, que je tombe dans le vide, je ne peux plus revenir en arrière. Souvent, je me dis : « Zut, mais dans quoi est-ce que je me suis embarquée cette fois? » Mais je me retrousse les manches et je passe en mode solution. C’est inévitable. Je crois que c’est vraiment l’un des meilleurs conseils que je puisse donner. J’essaie, tout simplement. C’est mon objectif pour 2021, d’ailleurs, parce que je suis réticente à faire plein de choses. Si je pouvais simplement me dire : « Vas-y. Fais-le. Fais-le, c’est tout. Tu as le droit d’échouer, tout ira bien… » 

Valerie Pringle : 

Certaines personnes diront : « Quel est le pire qui puisse arriver? » Mais vous, Will, vous dites que vous aimez un peu l’inconfort? Vous trouvez que c’est une bonne sensation par défaut? 

William Schultz : 

Oui, c’est ça, Valerie. J’ai passé tellement, mais tellement de temps dans des zones d’inconfort. J’ai travaillé dans un pénitencier, passé des entrevues en pénitencier, discuté de réforme carcérale. Ces sujets-là ne sont pas faciles, bien au contraire. Et je suis d’accord avec une grande partie de ce que tu viens de dire, Veronica. Je l’ai formulé un peu différemment, mais dis-moi si ce que je dis te rejoint. 

Je pense qu’il faut surtout préparer son état d’esprit. Si votre stratégie, c’est de sauter, alors allez-y, sautez! Dans mon cas, je préfère me convaincre que c’est correct de ne pas être à l’aise. Il ne s’agit même pas de me convaincre, en fait. Je dois simplement apprendre à gérer l’inconfort. À le redéfinir, sachant que l’inconfort nous fait grandir et que grandir, c’est bien, car si on ne grandit pas, on n’avance pas. Il faut aussi faire preuve d’humilité, particulièrement lorsqu’on parle à des personnes qui nous attaquent ou qui ne sont pas à l’aise avec ce qu’on dit ou ce qu’on représente. 

Parfois, la meilleure chose à faire, c’est rester humble et être bien dans sa peau. Ne pas chercher la confrontation, mais rester humble, sincère et soi-même. Le troisième point que j’aimerais soulever, et que je trouve vraiment important, c’est l’ouverture au dialogue. S’asseoir et discuter avec des personnes qu’on n’aime pas ou avec lesquelles on est en désaccord, ce n’est pas toujours plaisant, pas toujours facile, pas toujours utile, même. Mais en ce qui me concerne, j’ai vécu des expériences extraordinaires à simplement m’asseoir et discuter. 

Que ce soit dans une unité à sécurité maximale, dans un village profondément conservateur ou ailleurs, s’asseoir et discuter avec une personne pour se trouver des points communs. Un exemple typiquement canadien : demander à la personne si elle a regardé le match de hockey hier soir. Lancer la conversation de cette façon, puis trouver des terrains d’entente à partir desquels on peut parler et faire avancer le dialogue. Sortir de sa zone de confort, ce n’est pas facile, mais c’est très gratifiant, de toutes sortes de manières. J’adore cette idée, en fait. Parce que parfois, quand on est trop bien, trop à l’aise, on ne progresse plus. Ce n’est pas nécessairement sain. 

Valerie Pringle : 

Comment on dit cela? Grandir, c’est la seule chose qui prouve qu’on est vie? 

William Schultz : 

Dans ce cas, je crois que je suis très vivant. 

Valerie Pringle : 

Autrement, on meurt. Laxmi, qu’est-ce qui résonne pour vous dans ces mots? Qu’est-ce que vous en pensez? 

Laxmi Parthasarathy : 

D’abord, Veronica, tu disais que toi, tu fermes les yeux et tu sautes, n’est-ce pas? J’adore ça. Je repense aux expériences que j’ai vécues, ce que vous appelez des échecs, des coups durs ou des situations où on se sent vraiment mal à l’aise. Je crois que mon ressenti après ces deux expériences prenait racine dans ma peur de l’échec, dans la crainte que mon plan ne fonctionne pas comme prévu. Mais c’est ça la vie, on l’a tous appris. 

Donc, fermer les yeux et sauter sont des mots qui me parlent. Mais qu’est-ce qu’on fait ensuite? J’aurais un ou deux conseils à cet effet, des conseils qui m’ont beaucoup aidée dans toutes sortes de contextes. Premièrement, l’autodéfinition. Comprendre qui on est, ses convictions, ses valeurs, ses limites, c’est tellement important en cette période d’incertitude, dans ces situations, ces lieux, ces conversations où l’on ne se sent pas bien. Au bout du compte, il faut se définir avant que les autres nous définissent dans ces zones d’inconfort. 

Bien me connaître, être capable d’autodéfinition, c’est une approche qui m’a toujours bien servie. Deuxièmement, un peu comme on disait avec Will, je pense que c’est vraiment important d’avoir un.e mentor.e, une personne de confiance qui peut nous donner son avis, à qui on peut confier ses malaises, avec qui on peut discuter stratégies ou trouver des solutions. Parfois, on peut être tellement prise dans ses pensées, dans son dialogue intérieur, qu’on oublie d’aller vers l’autre, de verbaliser son malaise, de se confier à une personne qui nous connaît et en qui on a confiance. Quelqu’un qui nous aide à voir la situation telle qu’elle est réellement. 

Valerie Pringle : 

C’est tellement intéressant, l’idée d’un.e mentor.e. Très important, aussi. Will ou Veronica, est-ce que cette idée vous parle? Connaissez-vous des personnes à qui vous pouvez parler? Je comprends tout à fait, je me suis déjà tournée vers des gens dans ma vie. Je crois que ce conseil est très précieux. 

Veronica Øverlid : 

Ces mots résonnent vraiment à mes oreilles. C’est quelque chose que je fais aussi. Quand je m’engage dans un projet, quand je me lance, j’ai deux approches. La première est exactement ce qu’on a dit : je cherche conseil auprès d’une personne avisée. Comme le disait Laxmi, il peut s’agir d’une personne qui me connaît, qui connaît ou comprend mes peurs et qui peut m’aider à les surmonter. 

Une personne qui est passée par où on passe peut apaiser nos tourments, nous faire réaliser que tout ne va pas si mal après tout. Il faut seulement bien se préparer, bien comprendre dans quoi on s’embarque. Et ensuite, ça va. La deuxième approche, c’est de voir ces expériences comme des occasions d’apprentissage, un peu comme vous disiez, Valerie. Quel est le pire qui puisse arriver? 

Est-ce si grave d’échouer? Probablement pas. C’est très difficile à accepter, c’est une bataille de tous les jours, mais c’est la seule façon d’apprendre, je suppose. Alors, oui. Avoir un bon réseau, des gens sur qui compter. Et pas seulement pour demander conseil, mais aussi pour brasser des idées. Ou quelqu’un à qui on peut avouer sa peur. C’est une approche qui fonctionne bien pour moi. 

Laxmi Parthasarathy : 

Veronica, je me rappelle, tu m’avais contactée il y a plusieurs mois avant de postuler au programme de la Fondation. Tu m’as demandé de t’en dire un peu plus sur le programme. Je me demandais… Est-ce que le projet te faisait peur? Tu as dit que tu devais constamment te répéter : « Ferme les yeux et saute! » Je me demandais… As-tu adopté cette approche concernant le programme? 

Veronica Øverlid : 

C’est fou, on dirait que ça fait une éternité. Clairement, j’étais hors de ma zone de confort. Je n’aime pas déranger les gens, prendre de leur temps. C’était particulièrement vrai avec toi, parce que tu es si extraordinaire, tu as accompli tant de choses. C’était donc une décision très difficile à prendre. D’un autre côté, d’ancien.ne.s boursier.e.s m’avaient dit combien c’était important de tendre la main. 

Et pour l’avoir vécu, je savais que c’est la bonne façon de comprendre le fonctionnement des choses et de bâtir un réseau. Alors, je me suis dit, pourquoi pas? Dans le pire des cas, tu ne regarderas pas mon courriel, tu ne trouveras pas de temps pour une personne comme moi, et ce sera bien correct. J’ai eu un petit pincement, mais je me suis dit : « Vas-y! Prends le temps d’écrire un beau courriel, en toute humilité ». Le plus difficile, c’était de cliquer sur le fameux bouton « Envoyer ». Mais je l’ai fait et j’en suis très heureuse. Un an plus tard, tu t’en souviens encore, ce qui me remplit de gratitude. Cette expérience montre à quel point oser fait la différence, même si on n’obtient pas le résultat escompté à chaque fois. 

Par exemple, disons que tu n’as pas répondu à mon courriel, peut-être par manque de temps ou parce que tu ne l’as pas vu. Je ne connais pas la raison, mais si je continue à oser, à sortir de ma zone de confort, j’obtiendrai des résultats tôt ou tard, sinon chaque fois. J’essaie de le faire le plus possible, même si je dois me faire violence. 

Laxmi Parthasarathy : 

Je me disais justement… Le succès ne se construit pas du jour au lendemain. Je suis certaine que chaque membre de la communauté de la Fondation a une histoire d’échec à raconter, une histoire où il a fallu travailler encore et encore pour redessiner le chemin. Parce que le chemin de la réussite n’est pas nécessairement une belle ligne droite. Tout au long du parcours, il y a des embûches, des peurs à surmonter. 

Mais ce que les gens voient, c’est la biographie qu’on publie, l’entrevue qu’on donne. Heureusement, il y a ce balado qui parle de nos peurs. Vraiment, j’adore cette conversation. 

Valerie Pringle : 

Je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit, Veronica, sur votre refus ou votre crainte de déranger les gens. C’est très intéressant, car c’est universel. Que ce soit pour obtenir des conseils ou des renseignements. Dans mon cas, la moitié du temps, c’est pour recueillir des fonds. Il faut apprendre à oser dans ces situations. Il faut essayer. Quel est le pire qui puisse arriver? On aura un « non » pour réponse ou pas de réponse du tout. Mais on aura appris quelque chose. Qui ne risque rien n’a rien. D’ailleurs, la plupart des gens sont heureux de partager leurs connaissances, leurs expériences. La meilleure chose à faire, donc, c’est tendre la main. En conclusion, y a-t-il un point que les gens devraient retenir pour se préparer à faire face à des situations d’inconfort? 

William Schultz : 

On a dit tellement de choses intéressantes. C’est difficile de tout résumer en un seul point. Mais de tout ce que j’ai entendu, il y a quelque chose qui est revenu. Laxmi et Veronica, j’espère que vous serez d’accord, corrigez-moi si je me trompe. Avant de sortir de sa zone de confort, mieux vaut avoir préparé le terrain. J’entends par là avoir l’appui des gens de son entourage et comme Laxmi le disait, bien connaître ses valeurs, avoir confiance en soi, en ses convictions, en ses croyances. Quand tout est en place, c’est beaucoup plus facile de fermer les yeux et de sauter, comme disait Veronica. Est-ce que je résume bien? 

Valerie Pringle : 

Qu’en pensez-vous, Veronica? 

Veronica Øverlid : 

Je suis plutôt d’accord. Surtout la partie sur l’importance de croire en ses valeurs et d’être soi-même. C’est le plus important, je crois. J’aimerais aussi rappeler un point que vous avez tous les deux soulevé : accepter l’échec ou l’inconfort. 

William Schultz : 

Bon point. 

Veronica Øverlid : 

C’est le point à retenir selon moi, celui-là et celui de Will. 

Valerie Pringle : 

Laxmi? 

Laxmi Parthasarathy : 

Je pense que Will et Veronica l’ont bien résumé. Définir qui on est, trouver des personnes de confiance pour nous éclairer, faire de son mieux pour surmonter ses peurs. Retenir aussi que le travail acharné, avec quelques échecs au passage, ne peut se traduire que par du positif. 

Valerie Pringle : 

On ne pourrait trouver meilleur mot de la fin. Merci beaucoup d’avoir participé à cette édition d’Espaces de courage. C’est tout nouveau. Même moi, je suis sortie de ma zone de confort! Alors, merci de votre écoute. Dans le prochain épisode, nous allons parler des risques calculés et de l’échec. Nous en avons parlé un peu aujourd’hui, mais nous allons approfondir le sujet : comment peut-on apprendre et grandir? Pour cet épisode, nous recevrons Laya Behbahani et Allison Furniss, boursières 2020 de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, et Janice McDonald, mentore 2020. 

Voilà qui conclut cet épisode d’Espaces de courage de La Fondation Pierre Elliott Trudeau. J’espère que les récits de nos invité.e.s, nos réflexions et notre conversation ont trouvé un écho chez vous. Pour découvrir d’autres membres inspirant.e.s de notre communauté, suivez-nous sur Twitter, Facebook et LinkedIn. Et bien entendu, abonnez-vous à notre balado pour ne pas manquer le prochain épisode. J’espère que ce balado vous a inspiré le courage.  

Ici Valerie Pringle. À la prochaine!