Mot de la Présidente

Le printemps tire à sa fin. La pandémie s’essouffle, les autorités publiques du pays dévoilent leurs plans pour abolir ou assouplir les mesures et restrictions sanitaires. Nous rêvons de repartir à neuf, de changer la société et de bâtir un avenir meilleur.
 
Or, pour bon nombre d’entre nous, ce vent d’optimisme a cédé la place à la peine et à la douleur lorsqu’à la fin de mai, des chercheur.se.s qui travaillent avec la Première Nation Tk'emlúps te Secwépemc ont découvert les restes de centaines d’enfants sur le site d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops. Depuis, des centaines d’autres tombes anonymes ont été découvertes sur les sites d’anciens pensionnats. Provoquant une onde de choc au Canada, ces découvertes ont forcé des communautés de partout au pays à replonger dans leurs souvenirs, à revivre leurs pertes et leurs traumatismes, et en ont laissé d’autres estomaquées, déchirées.

Pendant que des chercheur.se.s travaillent d’arrache-pied pour donner des réponses aux familles, une chose est sûre : les répercussions de ces découvertes illustrent la nécessité de créer des espaces de réconciliation et de guérison dirigés par les communautés autochtones. Si nous voulons vraiment, en tant que société, bâtir un avenir plus juste et plus équitable une fois la pandémie derrière nous, nous devons continuer d’accueillir avec ouverture et empathie des vérités gênantes sur notre passé.

Top row (left to right): Elizabeth Rivera (PETF staff), Patti LaBoucane-Benson (2004 Scholar), Vanessa Ambtman-Smith (2019 Scholar), Margarida Garcia (2004 Scholar), Kylie Heales (2021 Scholar), Jasmine Dionne (2020 Scholar), María Juliana Angarita (2021 Scholar), Lorna Williams (2021 Fellow), Margaux Watine (PETF staff), Ginger Gibson (2003 Scholar), Pascale Fournier (President & CEO PETF), Poonam Puri (2016 Fellow), Charlie Wall-Andrews (2020 Scholar), Mckim Jean-Pierre (PETF staff). Bottom row (left to right): Allen Benson, Joshua Okyere (2021 Scholar), Anick Desrosiers (2021 Scholar), Jarita Greyeyes (2019 Scholar), Bernard Richard (2012 Mentor). 

Rangée supérieure (de gauche à droite) : Elizabeth Rivera (FPET), Patti LaBoucane-Benson (boursière 2004), Vanessa Ambtman-Smith (boursière 2019), Margarida Garcia (boursière 2004), Kylie Heales (boursière 2021), Jasmine Dionne (boursière 2020), María Juliana Angarita (boursière 2021), Lorna Williams (fellow 2021), Margaux Watine (FPET), Ginger Gibson (boursière 2003), Pascale Fournier (présidente et cheffe de la direction FPET), Poonam Puri (fellow 2016), Charlie Wall-Andrews (boursière 2020), Mckim Jean-Pierre (FPET).

Un espace pour guérir, réfléchir et se réconcilier

Sénatrice Patti Laboucane-Benson, boursière de la Fondation en 2004 et membre de notre Comité consultatif sur la diversité, a consacré une grande partie de sa carrière à des projets de réconciliation et de guérison. Fin juin, je me suis entretenue avec la sénatrice LaBoucane-Benson pour trouver une façon d’engager la Fondation dans la réflexion sur ces enjeux. Nous avons rapidement convenu que nous voulions offrir un lieu d’échange en présentiel aux membres de la Fondation et que, vu l’ampleur et l’accumulation des découvertes, ce rendez-vous devait avoir lieu le plus vite possible.

Ayant reçu un court préavis, l’équipe de la Fondation a réussi à organiser, tenant compte des précautions sanitaires et malgré les contraintes d’espace, son premier rassemblement en personne depuis 18 mois.

Nous avions la ferme conviction qu’il fallait prioritairement inviter les boursier.e.s des Premières Nations, Métis.se.s et Inuit.e.s ainsi que les membres du Comité consultatif sur la diversité. Lorsqu’il est devenu évident que le dialogue sur la réconciliation et la guérison serait au cœur de notre programme triennal de leadership 2021 portant sur le thème Langue, culture et identité, nous avons aussi invité la nouvelle cohorte et les fellows et mentor.e.s 2021 des Premières Nations, Métis.se.s et Inuit.e.s. Nous avons attribué le reste des places aux boursier.e.s établi.e.s à proximité du lieu de rassemblement et à d’autres membres autochtones de la Fondation. 

 

romeo

Chef Wilton Littlechild, Pascale Fournier et Romeo Saganash.

 

Ainsi, du 13 au 14 juillet, la sénatrice LaBoucane-Benson et son mari, M. Allen Benson, président des Native Counselling Services de l’Alberta, ont généreusement accueilli 20 participant.e.s à leur résidence près d’Edmonton. Kisha Supernant, professeure d’archéologie qui a récemment travaillé avec des communautés autochtones pour localiser des tombes anonymes, l'aîné métis Wil Campbell, l’aînée Irene Morin de la nation crie d’Enoch et le chef Wilton Littlechild, avocat, militant et entraîneur qui a occupé le poste de commissaire à la Commission de vérité et réconciliation (CVR), ainsi que Marlene Orr, codirectrice de Trauma Informed Edmonton, directrice du Centre de guérison Stan Daniels et directrice des services correctionnels des Native Counselling Services of Alberta, comptaient parmi les invité.e.s.

Ce fut une expérience d’apprentissage inestimable, riche en moments d’une profonde intimité pour les participant.e.s, une expérience pour laquelle je serai éternellement reconnaissante et que j’espère pouvoir revivre bientôt avec tou.te.s les membres de notre communauté. D’ailleurs, certain.e.s d’entre vous m’ont déjà contactée pour manifester leur intérêt à participer à des regroupements similaires dans un proche avenir. Soyez assuré.e.s que nous tâchons d’organiser, aussitôt que possible, d’autres rassemblements en personne qui seront ouverts à l’ensemble des membres et favoriseront l’écoute active, le dialogue et la sensibilisation.

D’ici là, nous aimerions partager avec vous des notes et des photos que les membres ont tirées de leur participation à ce rassemblement de deux jours à Edmonton. Leurs témoignages démontrent bien l’importance et la puissance du processus de deuil, et son rôle pour retrouver l’espoir en de meilleurs lendemains. J’espère que vous les trouverez aussi touchants, éclairants et inspirants que moi.


Pascale Fournier
Présidente et cheffe de la direction

panoramic

Edmonton, Alberta | 13 et 14 juillet 2021

 

circle

Des membres de la Fondation se réunissent pour prendre part à un cercle de guérison.

jarita

 

« Alors que plusieurs Canadien.ne.s doivent composer avec les réalités du système des pensionnats autochtones, nous devons rendre hommage à ses survivant.e.s qui livrent leurs témoignages avec honnêteté depuis des décennies. Même au sein de notre petite communauté à la Fondation, nous comptons des survivant.e.s ayant vécu ce système de façon directe ou intergénérationnelle, qui en voient et en ressentent les répercussions sur nous-mêmes, nos familles et nos nations. Ce voyage en Alberta, ancré sur le territoire, constituait une étape importante pour les membres de la communauté de la Fondation, afin qu’ils.elles puissent aborder les séquelles laissées par le régime des pensionnats autochtones. La réconciliation est impossible sans vérité, et même si beaucoup de personnes ignorent celle du système des pensionnats autochtones, nous avons maintenant une communauté de la Fondation qui l’a entendue directement des survivant.e.s. Particulièrement, en tant que personnes œuvrant dans le domaine de l’éducation, nous avons toutes la responsabilité d’aborder les impacts du système de pensionnat dans nos établissements d’enseignement respectifs, quel que soit notre domaine d’études. »

charlie

 

«La rencontre communautaire nous a permis de nous engager dans un processus collectif de deuil, de guérison et d’exploration des différents moyens de promouvoir la réconciliation entre les peuples autochtones et les Canadien.ne.s. Le fait est que plusieurs Canadien.ne.s doivent désapprendre l’histoire des terres sur lesquelles nous vivons et la réapprendre, et ainsi entamer leur parcours vers la citoyenneté responsable. Aussi, l’appel à l’action lancé par la Commission de vérité et réconciliation du Canada se doit d’être entendu et mis en œuvre par les citoyen.ne.s et les institutions. Je continuerai de réfléchir à ce voyage et de m’engager à agir, surtout en faisant ma part pour concrétiser l’appel à l’action no 92 de la CVR et en veillant à mobiliser ma communauté et mon secteur pour encourager les entreprises dans un cadre de réconciliation.»

vanessa

 

« Dès que nous avons foulé de nos pas la terre où Patti et Allen nous ont accueillis – le territoire du Traité no 6 –, j’ai su qu’il se passerait quelque chose de spécial et j’ai su quoi faire : j’ai retiré mes sandales pour sentir l’herbe et la terre sous mes pieds, puis je suis entrée dans le cercle sacré. J’ai tout de suite senti qu’il s’agissait d’un lieu de guérison, d’un espace destiné à m’aider comme personne autochtone. Un espace sûr et porteur d’un lien profond avec la nature environnante qui m’a menée à ce lieu de guérison dans le cadre de mon cheminement. J’ai vécu deux grands moments qui m’ont changée pour toujours : le premier fut mon retour au territoire traditionnel de mes ancêtres et de ma famille d’origine, et l’accueil qu’on m’y a réservé; le second fut la reconnaissance du fait que mon rôle dans la promotion des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation a évolué et changé, ce qui m’a permis de réfléchir et de m’investir dans le 22e appel : “Nous demandons aux intervenants qui sont à même d’apporter des changements au sein du système de soins de santé canadien de reconnaître la valeur des pratiques de guérison autochtones et d’utiliser ces pratiques dans le traitement de patients autochtones, en collaboration avec les aînés et les guérisseurs autochtones, lorsque ces patients en font la demande.” J’accueille et je chéris ces enseignements avec une grande dose d’humilité et de gratitude puisque j’ai été acceptée comme femme Métis-Nehiyaw, adoptée autochtone et faisant partie de la deuxième génération de victimes de la rafle des années 1960. Je sais maintenant qu’il est possible de revenir chez soi, et que ce retour représente un grand pas sur le chemin de la guérison du traumatisme colonial. J’ai aussi appris qu’à titre de boursière en santé autochtone, je dois écouter et suivre les conseils des ancêtres et de la terre – et que ce temps est essentiel pour favoriser la croissance, l’apprentissage et l’action qui profiteront à ma famille et aux peuples autochtones au-delà de ce que je sais être possible. »

 

Senator Patti LaBoucane-Benson, Margarida Garcia, Ginger Gibson and Pascale Fournier. 

Sénatrice Patti LaBoucane-Benson, Vanessa Ambtman-Smith et Allen Benson.  

maria

 

« En tant qu’immigrée et chercheuse engagée à promouvoir la justice et la mémoire historique, je crois qu’il faut absolument reconnaître l’autorité des peuples autochtones et la respecter, et que les liens qui unissent les personnes porteuses des connaissances et valeurs autochtones, les dirigeant.e.s civils et les universitaires s’avèreront essentiels sur la route de la réconciliation. Toute la générosité, l’ouverture et la diligence déployées lors de notre rassemblement ont permis de dégager de manière symbolique et naturelle ces enseignements importants. »

 

anick

 

« J’ai été profondément touchée par la gentillesse et la générosité des membres de la nation crie d’Enoch lors de notre accueil, et davantage par la résilience de ce peuple qui continue d’exister et de lutter malgré la violence des moyens mis en place pour faire disparaitre son héritage. L’authenticité et la profondeur de nos échanges m’ont permis de rendre vivante la notion de réconciliation, et ce bien au-delà des excuses publiques qui ne font que reconnaître partiellement les torts causés, sans pour autant redonner aux peuples ce qu’ils ont perdu : du pouvoir et la capacité d’être des égaux, de faire valoir d’autres visions du monde et d’autres valeurs. Je me demande à présent comment nous pouvons mieux assumer individuellement et collectivement la responsabilité que nous confie un regard lucide sur le passé, et qui permet de se choisir solidaires dans le présent, co-bâtisseur.euse.s d’un avenir respectueux de la diversité. »

 

joshua

 

« C’était une expérience incroyable pendant laquelle j’ai appris que la réconciliation commence par chacun.e d’entre nous. Cette démarche nous permet de rétablir des relations dans le respect mutuel. L’événement a servi de lieu de partage et d’empathie avec les communautés autochtones pour mieux favoriser la guérison. »

 

cohort

Anick Desrosiers, María Juliana Angarita, Joshua Okyere, et Kylie Heales.

lorna

 

« Ce fut un rassemblement riche en réflexion, attentionné, chaleureux et invitant, tout indiqué pour échanger des pensées et des idées émanant du cœur et de l’esprit sur les défis que pose la réaction aux mesures coloniales et sur la façon de bâtir un Canada respectueux de toutes les histoires et de tous les peuples. »

 

bernard

 

« Ce fut deux jours émouvants mais inspirants, qui nous ont permis de mieux comprendre les effets dévastateurs des politiques coloniales, en particulier des pensionnats autochtones. En tant qu’Acadien, conscient des aléas de notre propre histoire et des efforts héroïques qu’ont déployés nos ancêtres afin d’éviter le pire, j’ai été profondément choqué d’entendre les conséquences terribles de ces actes de génocide perpétrés contre les peuples autochtones de mon pays. Je remercie ceux et celles qui ont eu le courage de nous partager leurs souvenirs douloureux ainsi que leurs espoirs pour l’avenir. Merci/Thank you/wela’lioq. »

 

margarida

 

« Guérir, rire, s’ouvrir, écouter en silence, voir l’autre, se laisser voir, se voir autrement à travers le récit de l’autre. Nous avons vécu toute cette richesse et des moments uniques à Edmonton, uniques par la générosité de l’accueil (merci Patti et Allen!), l’humanité des échanges lors des cercles de guérison et de parole, notre envie de faire place à la mémoire,à la douleur, mais aussi au rire, à l’humour,à l’amitié et à l’entraide. J’ai été particulièrement inspirée par la manière dont nos hôtes ont su créer un espace si propice à la vraie rencontre de l’autre et de son histoire. Je suis reconnaissante d’avoir eu l’occasion de me rapprocher de manière si significative du sens vécu des mots vérité et réconciliation. Reconnaissante aussi aux aîné.e.s que nous avons eu le privilège de rencontrer et de qui j’ai tellement  appris. Ils nous ont offert beaucoup plus que leur énorme sagesse, ils nous ont offert leur présence et leur manière unique d’être. Il y a des voyages que nous n’oublions jamais, car ils nous transforment.»

 

Patti Laboucane-Benson, Margarida Garcia, Ginger Gibson, Pascale Fournier

Sénatrice Patti LaBoucane-Benson, Margarida Garcia, Ginger Gibson et Pascale Fournier. 

 

Pascale Fournier, Lorna Williams, Patti Laboucane-Benson, Vanessa Ambtman-Smith, Jarita Greyeyes

Pascale Fournier, Lorna Williams, Sénatrice Patti LaBoucane-Benson, Vanessa Ambtman-Smith et Jarita Greyeyes.