Audace et résilience : Se préparer à faire des compromis difficiles

Dans cet épisode, Manon Barbeau s'entretient avec Caroline Leblanc (boursière 2019) et Nathalie Des Rosiers (mentore 2020) et explore leurs façons d’approcher les conversations qui nécessitent des compromis.

 


TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

 

Manon Barbeau : Bonjour ici Manon Barbeau, mentore 2017 de la Fondation Trudeau. Je vous remercie de nous rejoindre à notre balado, Espaces de courage, balado qui nous pousse à réfléchir aux situations et aux défis auxquels nous sommes confronté.e.s tous les jours et à sortir de notre zone de confort. J'ai hâte d'entendre nos invités, des membres de la communauté de la Fondation Trudeau qui ont des expériences riches et diverses, et j'espère que vous avez aussi hâte que moi. Bienvenue dans la pluralité des perspectives. Bienvenue à notre espace de courage.  

Bonjour, chers auditeurs, je suis contente de vous accueillir à ce premier balado de la Fondation Trudeau. Je suis Manon Barbeau, cinéaste, cofondatrice du Wapikoni mobile et fondatrice de Musique nomade, des studios ambulants qui vont dans les communautés des Premières Nations pour leur donner la parole. J'ai aussi l'honneur d'être mentore de la Fondation Trudeau, un organisme de bienfaisance indépendant qui soutient le développement de leaders engagé.e.s motivé.e.s à transformer leurs idées en actions pour le mieux-être des communautés du Canada et du monde. Le premier tome de ce balado aujourd'hui – le titre général, c'est Espaces de courage et vous allez constater aujourd'hui que c'en est vraiment un – est Audace et résilience. Et la question du jour, que je trouve amusante : quel est l'échec dont vous êtes le plus fier.e? Et pour y répondre, deux femmes d'envergures, membres de la Fondation, aux parcours impressionnants. Nathalie Des Rosiers, une mentore 2020 et Caroline Leblanc. Bonjour à vous!  

 

Nathalie Des Rosiers : Bonjour  

Caroline Leblanc : Bonjour.  

 

Manon Barbeau : Nathalie Des Rosiers. Vous avez un parcours impressionnant. Vous êtes directrice principale du Collège Massey. Vous avez été, entre autres, députée provinciale d'Ottawa-Vanier, également l'avocate principal de l'Association canadienne des libertés civiles. Et vous travaillez depuis plusieurs années en droit constitutionnel et en droit des femmes. Caroline, que je connais depuis un bon moment. Caroline Leblanc, étudiante au doctorat en santé communautaire à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke. Caroline travaille à développer des interventions qui aident la population itinérante à trouver des ressources et à réduire les risques pour leur santé. Nathalie, Caroline, merci beaucoup, beaucoup d'être avec nous et à vous de répondre à la question sur cette partie peut-être plus difficile avant ce parcours brillant. Quel est l'échec dont vous êtes le plus fières? À quoi ressemblait cette partie de votre vie qui était un peu plus difficile? Nathalie, est-ce que vous voulez commencer ?  

 

Nathalie Des Rosiers : D'accord, et évidemment le choix a été difficile parce que dans une longue vie, et moi, je suis plus âgée que Caroline, on en a beaucoup d'échecs. Alors lequel dont on est le plus fière? Celui dont je vais parler, c'est celui qui a eu l'influence la plus marquante dans ma vie pendant les 15 ans que j'ai passé dans une institution qui m'avait rejetée et qui, pendant 15 ans, m'a un peu minée, qui m'avait identifiée un peu comme étant quelqu'un qui n'avait pas de succès, qui n'était pas apte au succès. Alors quand j'ai terminé mes études supérieures aux États-Unis, je suis tombée en amour avec quelqu'un qui vivait à London, Ontario. Alors moi, je suis francophone, je parlais un peu anglais, mais pas de façon phénoménale et j'étais en amour. Alors, j'ai décidé de faire application pour être professeure à l'Université Western en Ontario et ils m'ont rejetée. Au début, j'ai échoué et j'ai dû aller en pratique privée à London pour rester avec mon partenaire. Éventuellement, je suis retournée à Western, ils sont venus me recruter, mais pendant à peu près 15 ans, j'étais vraiment dans un milieu qui ne me donnait pas beaucoup de chances. J'ai eu des problèmes pour avoir accès à la permanence, je n’ai jamais été promue à aucun poste que ce soit. Par la suite je suis devenue doyenne deux fois, présidente de ci et de ça. Mais à London, à ce moment-là, c'était un milieu qui ne me voyait pas comme leader, qui ne me voyait pas comme ayant un potentiel d'accomplissement. Alors, ç’a été un échec douloureux. Mais on va parler plus tard de toutes les stratégies qu'on peut développer pour pouvoir survivre, même si on va être là pendant longtemps. Moi j'ai été là pendant 15 ans. Alors j'ai dû trouver toutes sortes de stratégies pour m'aider à accepter ce poste-là et cette vie-là.  

 

Manon Barbeau : Nathalie, est-ce que tu peux identifier un moment culminant de cet échec-là? En fait, un événement marquant qui a suscité chez toi une émotion assez forte pour servir de déclencheur?  

 

Nathalie Des Rosiers : Éventuellement, quand j'enseignais des cours à temps partiel, ils m'ont dit: « Finalement pourquoi tu ne viens pas à temps plein ? » Et quand je suis retournée les trouver, ils m'ont dit « Oui, ça nous prend une femme, une femme francophone. » Et puis, alors disons que ce n’était pas un engagement, que ce n'était pas un engagement qui vraiment soulevait la source de succès. J'avais vraiment l'impression que j'étais la francophone de service, la femme de service, un peu le token, ce qu'on appelle un exemple parfait du tokenism. Alors j'ai dû décider, est-ce que je prends ce poste-là dans un contexte où ils n'ont pas l'air de vouloir beaucoup – ils ne me donneront pas les soutiens appropriés pour mon succès – ou bien est-ce que je vais le prendre. Éventuellement, j'ai décidé de le prendre, en décidant que je ne voulais pas perdre ma voie et j'allais faire du mieux que je pouvais et leur démontrer que j'étais capable.  

 

Manon Barbeau : Caroline raconte ce pan de ta vie qui n'était pas nécessairement voué au succès en partant.  

 

Caroline Leblanc : En fait, mon plus grand échec, c'est d'avoir cru aux systèmes qui m'ont vu comme une personne mésadaptée socialement. Toute ma vie, en fait, j'ai vécu des échecs en lien avec ça parce que les gens ne me perçoivent pas du tout comme une personne – un peu comme Nathalie disait – avec un potentiel d'accomplissement. Donc, on peut voir qu'il y a certaines histoires qui peuvent se rejoindre malgré les différences. Donc quand tu es jeune, tu es adolescente, quand la violence institutionnelle te fait subir des choses et te fait croire une vision de toi que tu n'es pas... en fait, ils sont les seuls repères que tu peux avoir à un certain moment, quand tu forges ton identité, donc j'ai cru ce qu'ils pensaient de moi, en fait. Et pour moi, ça a été un des plus grands échecs qui, aujourd'hui, est ma plus grande fierté. Je vous expliquerai un peu pourquoi plus tard.  

 

Manon Barbeau : Est ce que tu peux nous en dire un petit peu plus sur le contexte où tu te sentais défavorisée? Quel était ton contexte quotidien et quelle était l'image qu'on te renvoyait de toi à ce moment-là?  

 

Caroline Leblanc : Pour commencer, le milieu académique, quand on est plus jeune, ne reflète pas les valeurs, les normes sociales qui forgent l'image d'une société, tu es souvent portée à être stigmatisée, mise à l'écart et avoir des jugements à ton égard. Et puis c'était le cas en lien avec les professeurs qui me mettaient souvent dehors de l'école. Parce ce qu’ils se fiaient beaucoup aux apparences. Donc j'ai eu un parcours assez houleux à travers les différents systèmes, dont le Centre jeunesse aussi.  

 

Manon Barbeau : Et dis-moi, Caroline, est ce qu’il y a un moment déclencheur, un moment ou tu as dit : « j'en ai assez de cette vie-là », qui a déclenché une émotion forte, qui a été une propulsion vers autre chose?  

 

Caroline Leblanc : Ce que je peux dire, c'est qu'à partir du moment où j'ai réussi à penser que je pouvais exister, qu'on a le droit d'exister et de contribuer de notre façon à ce monde souvent injuste, à partir de ce moment-là, j'ai pu justement mettre de l'avant ma voix et revendiquer, justement, contre les inégalités sociales. Mais aussi, ce processus-là s'est pas fait seul, ne s'est pas fait en donnant un coup de baguette pis la vie était belle. Ce processus-là s'est fait à travers les yeux des autres, en fait. Parce que quand tu vis la violence institutionnelle, toute ta vie, t'es oppressée, tu finis par ne pas avoir confiance en toi. Il y a certaines personnes qui ont cru en moi, qui m'ont vue et qui ont vu mon potentiel et qui croyaient en moi plus que moi je le croyais. Ils m'ont donné des opportunités, ils m'ont ouvert des portes, ils m'ont donné des espaces aussi où que je pouvais m'exprimer et avoir un dialogue aussi avec les gens qui m'ont oppressée. Et ça m'a permis aussi, quand même, d'aller plus loin dans mon processus et de me dire: « J'ai ma place dans cette société, c'est possible de m'exprimer ». Puis c'est là que je suis allée à l'université, un institut aussi qui m'avait quand même mise de côté. Donc c'était très confrontant pour moi de me dire qu'il fallait que je retourne aux études pour justement avoir enfin une voix, que je n'étais pas juste la fille de la rue. Je pouvais moi aussi avoir ma place, avoir accès au savoir, auquel tout le monde devrait avoir accès, d'ailleurs, mais c'est grâce à la flexibilité des institutions. Mais le plus gros processus que j'ai fait, c'est vraiment à travers les yeux des autres qui m'ont donné confiance, puis qui ont cru en moi plus que moi. Dont toi, Manon!   

 

Manon Barbeau : Oui, je pourrais t'en raconter pas mal. Dis-moi, est ce qu'il y a des compromis que tu étais prête à faire et à assumer, que tu trouvais correct d'assumer pour arriver où tu voulais aller? Où est ce qu'il y en a que tu n'étais pas du tout prête à faire? Parce que je sais que tu n'es pas une fille de compromis, donc c'est bien de te poser la question à toi en particulier. 

 

Caroline Leblanc : J'en fais encore, des compromis. Énormément. J'avance. En fait, ça fait maintenant 12 ans que je suis à l'université à temps plein. J'ai fait mon bac. Je ne savais même pas ce qu’était une maîtrise. Je ne savais même pas ce qu’était un doctorat. Pour moi, l'université n’était accessible que pour les riches. Sans jugement, mais c'était la vision que j'avais à l'époque, que ce n’était pas fait pour moi. Quand je suis rentrée à l'université, les agents de sécurité me couraient après parce que j'étais toujours en retard, que j'étais habillée encore comme quelqu'un qui pourrait vivre dans la rue. J'ai dû faire des compromis, aller à l'encontre de mes valeurs, me sentir aussi rejetée par les étudiants du milieu académique. Aussi, parce que c'est une marginale qui arrive en plein milieu, avec des idées éclatées qui est hors des normes, qui fait réagir. Je n’ai jamais eu peur de ce que j'avais à dire non plus, dans aucun contexte. Et je n'avais pas nécessairement les mots pour le dire, bref, pour en arriver à dire que, finalement, je fais encore des compromis. Mais j'ai l'habileté maintenant de m'outiller et de m'entourer de gens qui vont me driver, qui vont me soutenir... Parce que j'ai choisi, en fait, d'utiliser la recherche comme un levier de changement. Et je maintiens cette idée-là et mes compromis vont aller jusqu'au bout. Je sais que je suis dans un monde de performance. Je suis dans un monde où l'exigence est sans limite, mais je sais qu'il y a des gens comme par exemple la Fondation Pierre Elliott Trudeau, qui a su me donner une bourse prestigieuse pour que je réussisse à passer mon parcours académique. Mais que je puisse aussi l'utiliser comme un levier de changement et qui y croit. Donc, je sais que, à travers mon parcours, il y a des gens qui arrivent à me soutenir assez pour que je fasse les compromis nécessaires et arriver, justement, à défendre les droits des personnes qui vivent encore dans la rue. Pour moi, ça, c'est ma driv» et je vais toujours garder le cap là-dessus. Les compromis sont faits pour une raison, ils ne sont jamais faits pour rien.  

 

Manon Barbeau : Et dites-moi Nathalie, est-ce que vous avez dû faire des compromis? Est-ce que vous avez dû faire des compromis, ou est-ce que vous avez accepté de faire certains compromis pour arriver où vous vouliez aller?  

 

Nathalie Des Rosiers : Je vais commencer par dire que j'aime beaucoup écouter la façon dont Caroline décrit l'idée qu’il faut avoir un but à ces compromis. Il faut être capable de s'articuler pour soi-même : « Pourquoi on fait ça? » Et puis le voir dans une perspective de générosité – il faut être généreux à l'égard des autres, en se disant : « il y en a d'autres qui ont des besoins, il faut que je leur sois utile ». Se voir dans un contexte plus large, ça aide beaucoup, je pense, à accepter ce qu'il faut faire. Et ne pas se décourager par ce qu'on voit autour de soi, qu’il y a tant de choses à faire, tant d'injustices à réparer et tant d'autres voix à être entendues. En terme de compromis, j'ai souvent agi comme étant la personne token, j'étais souvent la femme de service, j'étais souvent la seule femme dans des groupes où on me donnait la fonction de secrétaire du comité. J'ai souvent été la francophone de service, encore plus. Alors, je pense que j'avais décidé que d'être la francophone de service, ou la femme de service, j'allais quand même accepter ça parce qu’au moins j'étais à la table. Et j'essayais d'être utile aux groupes, mais de m'exprimer, d'essayer d'utiliser les occasions comme un tremplin pour leur faire comprendre que c'est important d'avoir des femmes, important de réfléchir, d'avoir la perspective des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. Je pense que j'ai utilisé ça comme étant une place de pratique, [d’où on peut se] pratiquer à s'exprimer dans des contextes difficiles. L'autre chose, je dirais, il y a des fois où j'ai quitté des organismes si leur vision n'était pas la mienne, ou bien si on ne peut plus être intègre. Si ça ne correspond pas à nos valeurs, il faut partir, je pense. Mais je donnais toujours la chance. J'essayais toujours de transformer les organismes de l'intérieur avant de les abandonner, en leur disant : « Franchement, ça va me détruire si je reste là. » C'était un peu comme ça que je voyais ma vie.  

 

Manon Barbeau : Donc, il y a un moment où il y a peut-être un déclencheur, ou pas, mais tu as développé des stratégies pour arriver à réaliser tes rêves ou tes ambitions. Comment as-tu procédé, à partir de cette situation d'échec-là, pour te construire une vie qui te satisfaisait davantage?  

 

Nathalie Des Rosiers : Je pense qu'on abandonne un peu l'idée que la vie va satisfaire toutes nos ambitions. Et on est un peu dans un mode de gestion du quotidien. Et un des aspects des échecs, souvent, c'est qu’ils peuvent être intériorisés. On se voit comme les autres nous voient et on se voit comme – « parle moins bien anglais, n'écrit pas assez bien, n'écrit pas suffisamment beaucoup, est lente, enseigne de façon inadéquate ». Et pour survivre un peu à ces messages constants d'incompétence, mes stratégies à moi étaient qu’il faut commencer à aller un peu ailleurs. J'ai commencé à m'impliquer dans des milieux d'activisme social, j'ai été dans des groupes communautaires. Donc, on prend sa place, puis éventuellement, on sent qu'on fait quelque chose d'utile. Il ne manque pas d'injustices dans ce monde. Alors il y a toujours des places où on peut agir. Et d'agir, ça nous donne confiance en soi. Ça nous donne aussi un sentiment de plénitude, un sentiment d'accomplissement qui compense pour ce milieu hostile, ou on est de 9 à 5, cinq jours semaines. Alors ç’a été une stratégie, d'aller ailleurs. Éventuellement, quand j'ai pu lire [au sujet] des stratégies de résilience, il y a beaucoup de femmes qui ont eu le même réflexe et qui, éventuellement on été perçues comme étant des leaders. Pas parce qu'elles étaient dans leur milieu de travail, qui aurait dû les soutenir, mais plutôt dans un milieu communautaire ailleurs. Deuxième petite stratégie pour moi, c'est la célébration. Je pense que de reconnaître le succès des autres, ça nous aide à voir les succès qui peut-être ne sont pas reconnus officiellement. Alors ça m'a beaucoup aidée, moi. On était un groupe de féministes, et on a créé notre propre prix et puis on se l’octroyait chaque année. Et ça nous donnait un sentiment d'être capable de contrôler un peu notre environnement en déclarant ce que nous, on trouvait valable ou valorisant.  

 

Manon Barbeau : Et toi, Caroline, si tu avais à privilégier deux stratégies à communiquer à tes pairs ou [des stratégies] universelles, en fait, qui t'aident à te sortir d'une situation pour accéder ailleurs, sans te décourager ?  

 

Caroline Leblanc : J'en ai quatre. Est-ce que je peux les dire?  

 

Manon Barbeau : Vas-y, c'est encore mieux. 

 

Caroline Leblanc : Bien, croire en toi, et si ce n’est pas possible, le faire à travers les yeux des autres, et t'accrocher à ceux qui t'amènent du positif et qui t'amènent là. Se souvenir d’où tu es, justement pour t'accrocher et réussir à faire les compromis nécessaires pour arriver à atteindre ton but. Toujours maintenir un esprit de co-construction, avoir en place des critiques, mais aussi des pistes de solutions. Parce ce que sans pistes de solutions, notre société va rester la même. Reconnaître les balises, les limites de tes adversaires, ceux qui ne pensent pas nécessairement comme toi. Apprendre à approfondir un peu leur réflexion, comprendre leur impuissance aussi face à certaines problématiques pour justement un peu comprendre leur courant de pensée, puis amener des arguments qui peuvent nous rendre alliés. Ça c'est une des plus belles forces qu'une société peut avoir, d'après moi. Et je souhaite continuer à la mettre en place du mieux que je peux. Ce n’est pas toujours évident, mais pour moi, c'est important d'entendre aussi les autres, et puis de construire ensemble une société plus juste.  

 

Nathalie Des Rosiers : J'allais ajouter, souvent c'est important de savoir: « Qu'est ce qui fait peur? » quand on a des gens qui s’opposent à nous. De quoi ont-ils peur? De quoi ont-elles peur? Et ça nous aide peut-être, comme Caroline nous dit, à approfondir leurs motivations profondes et des fois, ça nous aide nous aussi à approfondir nos stratégies, nos réflexions, de savoir ce qui fait peur aux autres.  

 

Manon Barbeau : Je vous laisse donc vous consulter pour essayer de tirer ensemble peut être une recommandation commune. Comment allier vos recommandations pour une recommandation forte et universelle qui pourrait s'adresser à tout le monde?  

 

Caroline Leblanc : Moi, je trouve qu'il y avait un point de convergence entre nos deux histoires. C'est beaucoup le potentiel d'accomplissement qui n’a pas été valorisé. Ça vaudrait la peine de mettre en lumière un peu cette convergence-là entre les deux discours, qui sont totalement différents, mais en même temps, on l'a vécu toutes les deux. Et je trouve qu'on pourrait trouver justement une piste à mettre en lumière. Parce que, à la source de nos deux histoires, les gens n’ont pas cru à notre potentiel d'accomplissement. Et regarde aujourd'hui, on est des femmes accomplies, émancipées et fortes aussi. Je ne vous connais pas beaucoup, mais [d’après] l'histoire que j'ai entendue, je pense que ça serait le fun de trouver quelque chose qui est conducteur à ça.  

 

Nathalie Des Rosiers : Si on se pousse assez, on atteint toujours un peu cet endroit où on est la personne externe qui n'est pas valorisée. On n'est pas acceptée et on est vue comme n'ayant pas de potentiel. On est jugée sans potentiel. Et puis, il faut un peu se démerder dans cette affaire là pour essayer de reprendre sa place et ne pas intérioriser cette perception négative. Qu'elle ne devienne pas la façon dont on se voit soi-même. 

 

Caroline Leblanc : Oui.  

 

Nathalie Des Rosiers : C'est ce qu'il y a de plus difficile.  

 

Caroline Leblanc : Mais je pense qu'on l'a trouvé, là. Je trouve que, justement, tout le monde à un moment donné peut vivre ce sentiment-là, de ne pas valoriser son potentiel d'accomplissement à pleine allure. En fait, c'est que la perception des autres, il ne faut pas l'intérioriser, parce que sinon, ça vient modifier celle qu'on a de nous. Et puis toujours se rappeler d’où on vient et qui on est, justement, et puis foncer pour respecter nos propres valeurs.  

 

Nathalie Des Rosiers : Et faire progresser les choses. Parce que les grandes stratégies d'oppression, c'est toujours de convaincre les gens qui sont en bas qu'ils doivent rester en bas. Et donc l'intériorisation c'est une stratégie d'oppression. Donc il faut apprendre à la voire, à la nommer ...  

 

Caroline Leblanc : Mais aussi la dénoncer parce que ceux qui restent en bas n’ont pas d'affaire à rester en bas. Ceux qui restent en haut, ils doivent partager leur pouvoir.  

 

Nathalie Des Rosiers : Et donc si, comme individu, tu es capable de nommer, de dénoncer et de ne pas te faire définir par cette stratégie de négativité et d'oppression, déjà, c'est une façon de résister.  

 

Caroline Leblanc : C’est très bien dit, Nathalie, en fait je ne pourrais pas dire mieux.  

 

Manon Barbeau : C'était vaste et riche, je ne prendrai pas le risque de vous résumer. En tous cas, merci beaucoup. Et moi, je vous célèbre. Je trouve que vous êtes deux femmes qui ont été étiquetées. Nathalie comme femme et francophone dans un milieu universitaire qui était essentiellement masculin et anglophone. Caroline, toi, comme soi-disant mésadaptée par rapport à je ne sais pas quoi. Parce que, où est la norme? Vous avez dû lutter toutes les deux contre les étiquettes, contre l'exclusion liée à cette étiquette-là. Vous avez développé vos propres stratégies pour réaliser vos ambitions et vos rêves. Vous avez chacune un parcours admirable. Je le sens et je le pense vraiment. Vous êtes vraiment des modèles d'audace et de résilience. Bravo! Vous avez vraiment toute mon admiration sincère. Et je remercie les auditeurs d'avoir été là et d'avoir eu la chance d'entendre ces deux femmes admirables. C'est un premier balado et je vous donne rendez-vous le mois prochain pour le balado suivant. Merci.  

 

Manon Barbeau : Ceci conclut cet épisode d'Espaces de courage. J'espère que vous avez été touchés par les histoires entendues, les réflexions et les conversations de nos invitées. N'attendez pas le prochain épisode pour trouver des occasions de vous inspirer des membres de la Fondation Trudeau. Suivez-nous sur Facebook, LinkedIn et Twitter pour connaître les dernières nouvelles des membres de notre communauté. Et bien sûr, abonnez-vous à notre balado. J'espère que cet épisode vous a inspiré du courage. À la prochaine!